Ukraine : l’art, la zoothérapie et la résistance du vivant

Premiers pas en Ukraine : avril 2025

Avril dernier, j’ai mis les pieds en Ukraine pour la toute première fois. J’étais accompagnée de psychiatres néerlandais spécialistes en relations internationales, dans une alliance soutenue par les gouvernements canadien et hollandais. Dès l’arrivée, j’ai senti que ce voyage allait marquer un tournant dans ma pratique, mais aussi dans ma manière de concevoir le soin en contexte de crise.

Je veux d’abord souligner un fait que nous oublions souvent au Québec : chaque année, au Salon du livre de Montréal, un pavillon entier est consacré aux auteurs et aux artistes visuels ukrainiens. L’argent récolté leur est directement attribué. C’est un geste concret, une façon de rappeler que la culture reste une arme de résistance, même dans la guerre.


Former, accompagner, ouvrir des possibles

Sur place, j’ai eu le privilège de découvrir des maisons de prise en charge sociale où l’autonomie et la transmission des savoirs guident chaque activité. Mon rôle était d’entraîner le personnel, autant du côté art-thérapie que zoothérapie. Nous avons travaillé dans des centres de réadaptation, mais aussi dans un centre pénitentiaire pour vétérans vivant avec des enjeux sévères de santé mentale.

Avec eux, il ne s’agit pas de parler de « post-trauma » : la guerre est toujours active. Ils vivent dans le trauma, au présent. Nos ateliers portaient sur la communication, la stimulation mentale, l’ouverture à une autre vision du soin. Car le modèle dominant là-bas est encore celui de l’institutionnalisation permanente. Nous essayons, avec notre équipe, de déplacer un peu les lignes, d’amener l’idée qu’il peut aussi y avoir réadaptation, rééducation, reconstruction.



J’ai visité plusieurs centres de réadaptation pour vétérans. La différence avec le Québec m’a frappée en plein cœur : ici, nos vétérans ont presque cent ans. Là-bas, ils ont 17, 19, 22 ou 25 ans. Et ce sont parfois des « anciens vétérans » d’hier, de la semaine dernière. Cette jeunesse fauchée trop tôt incarne toute la violence de cette guerre active.

Face à cette réalité, les centres se développent à une vitesse inimaginable chez nous. Par urgence. Par nécessité. De nouveaux pavillons doivent être bâtis en moins de six mois pour accueillir les blessés qui affluent sans cesse du front. J’ai vu, au loin, une dalle de béton. C’était la base de ce qui deviendra un centre pour les mères — ou futures mères — ayant perdu un conjoint à la guerre. Ces lieux naissent dans la douleur, mais aussi dans la volonté de continuer à vivre.

J’ai rencontré des spécialistes passionnés, des équipes entières qui se déploient à bras ouverts malgré la fatigue et l’ampleur de la tâche. J’ai été accueillie dans ces centres avec une chaleur bouleversante. La zoothérapie y a sa place : elle devient une approche nécessaire, urgente, humaine, là où tout vacille.

Il y a aussi les enfants, ceux à qui il faudra expliquer que, quand la guerre prendra fin, les villages ne retrouveront pas tous leurs habitants. Certains ne reviendront jamais. Comment préparer ces jeunes à une vérité aussi insoutenable? Là encore, les ateliers collectifs, les projets de pairs aidants, les espaces de parole deviennent vitaux.

Une solidarité qui traverse les frontières

Au fil de mon séjour, j’ai eu la chance de découvrir Femmes de parole, Résistance du poème, un livre extraordinaire qui tisse une solidarité Québec-Ukraine à travers la poésie. Je vous le recommande vivement.

Je pourrais vous raconter encore mille choses : les projets collectifs avec les prisonniers de guerre, les ailes psychiatriques, les soins de longue durée. Les ateliers de réhabilitation post-traumatique où j’ai été invitée, et où j’ai vu des femmes et des hommes reprendre un peu d’élan malgré la noirceur. J’ai déjà mon billet pour y retourner en octobre.

Ce n’est pas fini tant que ce n’est pas fini

En avril prochain, une grande conférence mondiale aura lieu. J’aurai l’honneur d’y exposer les bienfaits que la zoothérapie peut apporter à toutes ces populations en tension. Mais comme je le disais déjà en avril dernier, je ne suis jamais certaine de vraiment pouvoir y aller : la situation géopolitique est mouvante, fragile, incertaine.

J’espère de tout cœur que cette guerre prendra fin. Que nous pourrons commencer à retisser ce qu’elle a défait. Que les plaies laissées derrière pourront recevoir un peu de lumière, un peu de soin, un peu de beauté.

Dans l’onglet Pays vous pourrez en apprendre plus sur les orgnanismes extraordinaires dont je fais mention ic.

Zoothérapeutiquement vôtre,

Audrey

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